Commentaire du chapitre XVIII du Traité théologico-politique de Spinoza

Le bureau de Spinoza

De l’État des hébreux et de leur histoire sont conclus quelques enseignements politiques

Après avoir parlé de la grandeur de l’État des Hébreux dans le chapitre précédent, Spinoza va parler maintenant des causes de sa chute.

J’ai supprimé toutes les phrases que je ne commente pas. Quand je supprime tout un paragraphe, je laisse un « (…) » pour chacun d’eux, afin que vous vous y retrouviez aisément. La pagination est toujours celle de l’exemplaire « officiel » « prépas scientifiques 2024-2025 » paru chez Garnier Flammarion en mai 2024.

p. 145 :

[1] En dépit de l’éternité qui eût pu être en partage à l’État des Hébreux, tel que nous l’avons conçu dans le précédent chapitre, personne ne peut plus le prendre pour modèle et cela ne serait pas un dessein raisonnable. (…). Or Dieu a révélé par les Apôtres que son pacte n’était plus écrit avec de l’encre, ni sur des tables de pierre, mais dans le cœur et avec l’esprit de Dieu.

(ce qui n’est pas à prendre pour modèle dans l’État des Hébreux, c’est la confusion entre pouvoir religieux et pouvoir politique. On ne peut contracter avec Dieu comme on contracte avec un semblable. De plus, Spinoza se réfère aux Évangiles, puisqu’il parle des apôtres, et non à la « loi juive » – la Halakha – qui n’est pas politique, mais qui règle la vie religieuse, elle-même abandonnée au 18e et au 19e siècles au profit de la Haskala – qui vient de l’assimilation des juifs d’Europe acquis aux Lumières grâce aux droits égaux qu’ils ont acquis dans divers pays. Ce mouvement commença en Allemagne au 18e siècle. Certains rabbins préconisèrent même l’abandon de la circoncision. Spinoza précise pourquoi l’ancienne Alliance – celle des Juifs – ne doit plus être prise pour modèle : depuis Jésus et les apôtres, la nouvelle Alliance est fondée sur l’amour du prochain, la charité, la justice)

p. 146 :

En second lieu une forme d’État comme celle-là ne pourrait convenir, tout au plus, qu’à des hommes qui voudraient vivre seuls sans commerce avec le dehors, se renfermer dans leurs limites et s’isoler du reste du monde : non du tout à des hommes auxquels il est nécessaire d’avoir commerce avec d’autres, c’est pourquoi une telle forme d’État ne peut servir qu’à un très petit nombre.(…)

(il y a là une critique à peine voilée du mode de vie des juifs d’Europe avant les Lumières, et encore après celles-ci pour les juifs de l’est, comme en Pologne, en Ukraine et en Russie : cultivant l’entre soi, encouragés en cela par les mitzvot, ou Mitzvah, 613 prescriptions et proscriptions encadrant la vie quotidienne des juifs depuis leur établissement au temps de Moïse, ils ne se mêlaient pas, et c’était volontaire, aux nations où ils vivaient. Cela est rendu inévitable avec bien que le ghetto leur aient été imposé à partir du précédent du ghetto de Venise. Spinoza est universaliste et ne défend nullement ce mode de vie refermé sur soi. Cela existe depuis le début de la Diaspora, la dispersion des Juifs après la seconde destruction du temple de Jérusalem en 70 après Jésus Christ. Ce sont des raisons religieuses, comme les règles alimentaires qui ont rendu nécessaire, à leurs yeux, ce mode de vie séparé, bien que Spinoza admette qu’on puisse lui trouver des qualités remarquables, la plus remarquable étant peut-être l’alphabétisation de tous les garçons, et de quelques filles, bien supérieure que celle qu’on trouvait dans les nations d’Europe)

[2] (…) D’abord qu’il n’est pas contraire au règne de Dieu d’élire une majesté souveraine qui ait dans l’État un pouvoir souverain. Après en effet que les Hébreux eurent transféré leur droit à Dieu, ils reconnurent à Moïse un droit souverain de commander et, seul, il eut ainsi l’autorité d’instituer et d’abroger les lois, d’élire des ministres du culte, de juger, enseigner et châtier et de commander absolument à tous et en toutes choses. En second lieu que, tout en étant les interprètes des lois, les ministres du culte n’étaient qualifiés cependant ni pour juger les citoyens, ni pour

(Spinoza insiste évidemment sur ce point qui, selon lui, est l’apport le plus positif de Moïse : l’établissement d’une sorte de code civil, quoique adossé sur la religion. Mais il aurait fallu qu’à la mort de Moïse, sa succession soit mieux définie et assurée)

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excommunier qui que ce fût ; ce droit n’appartenait qu’aux juges et aux chefs élus dans le peuple.

(Spinoza précise que les interprètes de la loi n’avaient aucun droit de regard sur les décisions strictement politiques, si l’on peut s’exprimer ainsi pour ce qui concerne les Hébreux. Cette séparation nette entre politique et religion ne peut avoir que les faveurs de Spinoza, puisque tout le T.T.P. est écrit dans cette optique).

[3] Si en outre nous voulons considérer l’histoire des Hébreux et ses vicissitudes, nous trouverons d’autres points dignes de remarque. 

[4] 1° (…)

p. 148 :

(…)

Au contraire quand ils furent entrés en possession du pouvoir de traiter les affaires de l’État et eurent joint au pontificat le droit du prince, chacun eut l’ambition d’illustrer son nom, à l’égard de la religion et à d’autres encore, en réglant tout par son autorité pontificale, en rendant tous les jours sur les cérémonies, la foi et tous les points, de nouveaux décrets auxquels ils ne voulaient pas qu’on attribuât un caractère moins sacré et une autorité moindre qu’aux lois de Moïse ; il arriva par là que la religion dégénéra en une superstition funeste et que le sens vrai et l’interprétation des lois se corrompirent.

(c’est cette prétention à la souveraineté qui va engendrer tous les conflits autour de questions qui relèvent de l’opinion, des passions, de la croyance : raisons pour lesquelles Spinoza préfère, et de loin, une autorité politique distincte de l’autorité religieuse et souveraine)

(…)

p. 149 :

…que de sa bouche, car il est l’envoyé de Dieu. Mais vous vous êtes écartés de la voie, vous avez fait que la loi fût pour beaucoup un scandale, vous avez rompu le pacte de Lévi, dit le Dieu des armées. » Et ses accusations se poursuivent : « ils interprètent les lois selon leur bon plaisir, n’ont nul égard à Dieu, mais seulement aux personnes ».

(cette remarque est intéressante pour la question du rapport entre individu et communauté : je suis tenté d’interpréter ce que sont les prophètes mais aussi les Lévites à la façon de Louis Dumont : ce qu’il dit des renonçants dans l’Inde des castes peut s’adapter, mutatis mutandis, aux « individus » hébreux qui ‘interprètent les lois selon leur bon plaisir » ; les prophètes tirèrent leur prestige des révélations que Dieu leur aurait faites et furent à la source de nombreuses dissensions dans le peuple hébreu)

(…)

Quoi qu’il en ait été, nous ne pouvons en aucune façon douter que l’adulation des pontifes, la corruption de la religion et des lois, accrues en nombre dans une mesure incroyable, n’aient donné très largement et très fréquemment occasion à des débats et à des querelles sans fin ; où les hommes en effet commencent à disputer avec l’ardeur du fanatisme, appuyés de part et d’autre par des magistrats, il est impossible de jamais arriver à un apaisement et la division en sectes est inévitable.

(rien n’est plus dangereux pour l’unité d’une nation que les disputes passionnées entre fanatiques ; à partir de certains individus disposant d’un pouvoir charismatique des sectes se créent et s’opposent. Cela vaut aussi pour le domaine politique, mais en général, du moins en démocratie, on n’y défend jamais une vérité qu’on voudrait imposer aux autres, mais seulement une opinion parmi d’autres, et qui plus est, sans aucun lien avec la moindre transcendance – sauf, pour parler d’exemples récents, pour le nazisme et le communisme, qui se référaient à une prétendue vérité, la race pour le national-socialisme, le matérialisme dialectique pour le communisme)

2° Il vaut la peine d’observer que les prophètes, c’est-à-dire de simples particuliers, par la liberté qu’ils prirent d’avertir, d’invectiver et de couvrir d’opprobre, irritèrent les hommes plus qu’ils ne les

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corrigèrent ; tandis qu’avertis ou châtiés par les rois, ces mêmes hommes étaient faciles à fléchir. Il y a plus : les rois, même pieux, jugèrent souvent intolérables les prophètes à cause de l’autorité qu’ils avaient de décider quelle action était pieuse, quelle impie, et de châtier les rois eux-mêmes, quand ils se permettaient de conduire quelque affaire, publique ou privée, à l’encontre de ce qu’eux, prophètes, avaient décidé. Le roi Asa, qui régna pieusement, d’après le témoignage de l’Écriture, envoya à la meule le prophète Hanani pour avoir eu l’audace de le reprendre et de lui faire des reproches au sujet du traité conclu avec le roi d’Arménie ; et l’on trouve en outre d’autres exemples montrant qu’une telle liberté est plus dommageable que…

(ce passage me permet, en prenant quelques risques, de comparer le rôle des prophètes hébreux avec celui des renonçants en Inde, tels qu’ils sont analysés par Louis Dumont. Il existe peut-être chez les prophètes hébreux une sorte de préfiguration du rôle de l’individu intellectuel qui met en cause les traditions et les coutumes du peuple, et qui donc encourage la sédition. Voici ce qu’écrit Dumont à propos de l’idée d’individu : « quand nous parlons d’« individu », nous désignons deux choses à la fois : un objet hors de nous, et une valeur. (…) d’un côté le sujet empirique parlant, pensant et voulant, soit l’échantillon individuel de l’espèce humaine, tel qu’on le rencontre dans toutes les sociétés, de l’autre l’être moral indépendant, autonome, et par suite essentiellement non social, qui porte nos valeurs suprêmes et se rencontre en premier lieu dans notre idéologie moderne de l’homme et de la société. De ce point de vue, il y a deux sociétés. Là où l’Individu est la valeur suprême, je parle d’individualisme ; dans le cas opposé, où la valeur se trouve dans la société comme un tout, je parle de holisme. » – pp. 36-37, Essais sur l’individualisme, une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, 1983, réédition Seuil Essais, 1991 – Ce qu’il dit ensuite de l’Inde m’intéresse davantage : « « La comparaison avec l’Inde suggère une hypothèse. Depuis plus de deux mille ans la société indienne est caractérisée par deux traits complémentaires : la société impose à chacun une interdépendance étroite qui substitue des relations contraignantes à l’individu tel que nous le connaissons, mais par ailleurs l’institution du renoncement au monde permet la pleine indépendance de quiconque choisit cette voie. Incidemment cet homme, le renonçant, est responsable de toutes les innovations religieuses que l’Inde a connues. (…) Le renonçant se suffit à lui-même, il ne se préoccupe que de lui-même. Sa pensée est semblable à celle de l’individu moderne, avec pourtant une différence essentielle : nous vivons dans le monde social, il vit hors de lui. C’est pourquoi j’ai appelé le renonçant indien un « individu-hors-du-monde ». (…) Ce qui est essentiel pour nous, c’est l’abîme qui sépare le renonçant du monde social et de l’homme-dans-le-monde. (…) Ce qui est précieux pour nous dans tout cela, c’est que le développement indien se comprend aisément (…) À partir de lui, nous pouvons faire l’hypothèse suivante : si l’individualisme doit apparaître dans une société du type traditionnel, holiste, ce sera en opposition à la société et comme une sorte de supplément par rapport à elle, c’est-à-dire sous la forme de l’individu-hors-du-monde. Est-il possible de penser que l’individualisme commença de la sorte en Occident ? C’est précisément ce que je vais essayer de montrer (…). Il n’y a pas de doute sur la conception fondamentale de l’homme née de l’enseignement du Christ : comme l’a dit Ernst Troeltsch, l’homme est un individu-en-relation-à-Dieu, ce qui signifie, à notre usage, un individu essentiellement hors-du-monde. » Dumont, op. cité, pp.37-39 – je souligne. Il me semble qu’on peut utiliser l’analyse de Dumont pour parler des « individus hors-du-monde » que furent les prophètes hébreux. Ils s’opposèrent à la collectivité et au pouvoir. Bien sûr, il y a d’indéniables différences de taille : pour n’en citer qu’une, le prophète ne se soucie pas que de lui-même. Mais au moins cette comparaison aide-t-elle à comprendre que ce que privilégie Spinoza ne serait – ne sera ? puisque la société qu’il appelait de ses voeux existe en grande partie – pas sans conséquence, peut-être négatives : à savoir l’opposition des individus à tout ce qui vient de la société, qu’il s’agisse de religion, de politique, de coutumes, de traditions. Dans une note (p. 77), Dumont précise : « l’individualisme extra-mondain est opposé hiérarchiquement au holisme : supérieur à la société, il la laisse en place, tandis que l’individualisme intra-mondain nie ou détruit la société holiste et la remplace (ou prétend le faire). Spinoza n’a pas prévu cela. Mais on ne peut le lui reprocher, car « nul ne peut sauter par-dessus son ombre » – Hegel -, i.e. comprendre son époque comme s’il venait des siècles suivants)

p. 151 :

…profitable à la religion ; pour ne rien dire des grandes guerres civiles qui naquirent des droits excessifs revendiqués par les prophètes.

(Spinoza a en tête d’autres personnes qui voudraient s’arroger des droits excessifs : ce sont, à son époque et dans son pays, les théologiens, en particulier calvinistes)

3° (…) 

(…)

p. 152 :

(…)

[5] En second lieu, si nous voulons compter le temps pendant lequel on jouit d’une paix complète, nous trouverons une grande différence ; avant les rois ils passèrent plusieurs fois quarante années et une fois quatre-vingts (ce qui surprend l’opinion) dans une entière concorde, sans guerre extérieure ni intérieure ; après que les rois se furent emparés du pouvoir, comme on ne combattait plus ainsi qu’auparavant pour la paix et la liberté, mais pour la gloire, nous voyons qu’à l’exception du seul Salomon (dont la vertu, qui était la sagesse, se montrait dans la paix plus que dans la guerre), tous firent la guerre, et un funeste appétit de régner rendit sanglant pour la plupart le chemin conduisant à la royauté.

(ce passage montre l’antipathie de Spinoza pour la monarchie – bien quelle soit toujours préférable, comme souveraineté absolue, au partage du pouvoir entre le monarque et les religieux – et sa préférence pour une république, surtout si elle est démocratique)

(…)

p. 153 :

(…)

[6] Nous voyons par la très clairement : 

combien il est pernicieux, tant pour la religion que pour l’État, d’accorder aux ministres du culte le droit de décréter quoi que ce soit ou de traiter les affaires de l’État ; qu’au contraire la stabilité est beaucoup plus grande quand ils sont astreints à répondre seulement aux demandes qui leur sont faites et entretemps à régler leur enseignement et le culte extérieur sur la tradition la mieux établie et la plus universellement acceptée. 

Combien il est dangereux de rattacher aux règles du droit divin les questions d’ordre purement spéculatif et de fonder les lois sur des

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opinions, sujet au moins possible de constantes disputes entre les hommes; l’exercice du pouvoir ne va pas sans la pire violence dans un État où l’on tient pour crimes les opinions qui sont du droit de l’individu auquel personne ne peut renoncer ; et même, dans un État de cette sorte c’est la furieuse passion populaire qui commande habituellement. (…)

(la première partie de la phrase concerne les rapports entre philosophie et théologie : Spinoza souhaiterait que le domaine philosophique – les questions spéculatives, qui concernent les concepts d’être, de substance, de finalité, de liberté métaphysique, etc. – ne soit pas sous la tutelle du domaine de la théologie – les questions de la foi, du sacré, du blasphème, etc. – La seconde partie de la phrase, elle ne va pas sans poser des difficultés : je ne vois pas sur quoi on peut fonder les lois sinon sur des opinions, sauf à penser que les hommes deviennent rationnels et fondent les lois en raison, objectif qui n’est pas impossible à atteindre, mais fort difficile dans un proche avenir ; quant à la troisième partie de la phrase, elle concerne un problème sur lequel Spinoza s’est déjà penché : ce à quoi l’individu ne peut renoncer, son droit à penser ce qu’il veut, ni l’État en encore moins la religion, ne doivent y toucher, au risque de devenir très violents puisque ce droit est inaliénable – la seule solution consiste à faire taire par des menaces, à emprisonner voire à supprimer les récalcitrants)

p. 155 :

…Cette licence effrontée, parce qu’elle se couvre d’une apparence de religion, n’est pas facile à réprimer, surtout dans un pays où les détenteurs du pouvoir souverain ont introduit une secte dont la doctrine échappe à leur autorité, car alors ils ne sont plus tenus pour des interprètes du droit divin mais pour des membres d’une secte, c’est-à-dire des hommes qui reconnaissent comme interprètes du droit divin les docteurs de la secte ; l’autorité des magistrats a par suite peu de force auprès de la foule en ce qui concerne les actes qu’inspire le fanatisme religieux, l’autorité des docteurs en a beaucoup, et l’on croit que même les rois doivent se soumettre à leur interprétation.

(le fanatisme des sectes religieuses fait que leurs adeptes ne respectent plus les lois politiques de l’État. Les individus ayant tendance à se singulariser et en même temps à s’unir – la fameuse « insociable sociabilité » kantienne – l’adhésion à une secte remplit ces deux fonctions, ce qui fait de l’individu une menace permanente pour l’unité du peuple encore plus que pour l’État. Une remarque au sujet de la violence qui peut surgir du phénomène religieux. Durkheim a défini le fait religieux en trois points. Le premier point concerne l’individu et la force supplémentaire que lui offre la religion : « Avant tout, la vie religieuse suppose la mise en oeuvre de forces sui generis, qui élèvent l’individu au-dessus de lui-même, qui le transportent dans un autre milieu que celui où s’écoule son existence profane et qui le font vivre d’une vie très différente, plus haute et plus intense. Le croyant n’est pas seulement un homme qui voit, qui sait des choses que l’incroyant ignore : c’est un homme qui peut davantage. Les fidèles peuvent se représenter inexactement le pouvoir qu’ils s’attribuent, le sens dans lequel il s’exerce. Mais ce pouvoir, en lui-même, n’est pas illusoire. C’est lui qui a permis à l’humanité de vivre. » – Émile Durkheim, Le problème religieux et la dualité de la nature humaine (1913). Le second point se rapporte à l’obligation puissante qui oblige l’individu : « Certaines communautés qui, parfois, se confondent avec la société politique, mais, parfois, s’en distinguent, présentent toutes ce même caractère : les membres dont elles sont formées, non seulement adhèrent à une foi commune, mais sont tenus d’y adhérer. Non seulement l’Israélite croit que Iahveh est Dieu, qu’il est le Dieu unique, le créateur du monde, le révélateur de la Loi ; mais il doit y croire.« . Le troisième point porte sur le lien inextricable entre croyance et pratique et entre religion et philosophie : « les pratiques sont solidaires des croyances ; elle ne fait pas ressortir assez la solidarité inverse qui n’est pas moins réelle. On peut se demander, en effet, si des croyances qui n’aboutissent pas à des pratiques sont vraiment religieuses. La religion n’est exclusivement ni une philosophie obligatoire ni une discipline pratique : elle est l’une et l’autre à la fois. » – Émile Durkheim, De la définition des phénomènes religieux, (1897-1898) pour les deux derniers extraits. On trouve ces textes et bien d’autres, et de bien d’autres auteurs, dont Spinoza, mais aussi L’unique et sa propriété de Max Stirner, auquel je consacrerai bientôt un article, sur l’excellent site des classiques des sciences sociales de l’Université de Chicoutimi au Québec. Il me semble que toute l’analyse de Durkheim va dans le sens de ce qu’écrit Spinoza dans le T.T.P.)

Pour éviter ces maux, on ne peut trouver de moyen plus sûr que de faire consister la piété et le culte de la religion dans les œuvres seules, c’est-à-dire dans le seul exercice de la justice et de la charité, et, pour le reste de l’abandonner au libre…  

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jugement de chacun ; mais nous reviendrons plus longuement sur ce point.

(Spinoza ne voit qu’un remède à tous les conflits qui naissent des individus et des sectes religieuses auxquelles ils appartiennent : séparer les oeuvres, qui sont des actions relevant de la loi : prescrites ou proscrites, de ce qui est libre – les croyances qui sont des opinions toujours susceptibles de rencontrer des opinions contraires, puisque la liberté de penser est inhérente à la nature humaine. Mais ce qu’en dit Durkheim va à l’encontre de ce que souhaite Spinoza, peut-être parce que le premier est sociologue et le second philosophe. Pour Durkheim, en effet, les pratiques sont indissociables des croyances, ce que Spinoza voudrait séparer comme il sépare les pensées des actions)

3° (…)

4° (…)

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(…)

[7] Je ne puis cependant passer ici sous silence qu’il n’est pas moins périlleux d’ôter la vie à un monarque, alors même qu’il est établi de toutes manières qu’il est un tyran. Car le peuple, accoutumé à l’autorité royale et retenu par elle seule, en méprisera une moindre et se jouera d’elle ; par suite, si l’on ôte la vie à un monarque, il sera nécessaire que le peuple, comme autrefois les prophètes, en élise à sa place un autre qui nécessairement et malgré lui sera un tyran. De quel œil en effet pourra-t-il voir des citoyens aux mains ensanglantées par le meurtre d’un roi, et se glorifiant d’un parricide comme d’une belle action qu’ils ne peuvent pas ne pas considérer comme un exemple pour lui ? Certes, s’il veut être un roi, s’il ne veut pas reconnaître le peuple comme son juge et son maître et s’il ne s’accommode pas d’un pouvoir précaire, il doit venger la mort du roi qui l’a précédé et opposer à cet exemple, dans son intérêt, un autre exemple de nature à décourager le peuple du renouvellement de son forfait. Or il ne pourra aisément venger la mort du tyran en envoyant à la…

(ce passage montre à quel point Spinoza a pu être influencé par Machiavel. Mais je n’en dis pas davantage sur ce sujet qui n’est pas étroitement lié à la question des rapports entre individu et communauté)

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